Le 150 km de Vertou


photo de groupe

Depuis le temps, cette fois, ça y est. Afin de ne rien rater, j'arrive la veille. L'hôtel m'envoie chercher à la gare routière. L'hôte esseulé intrigue la magnifique chienne de l'établissement, un bas-rouge de six ans. Couchée sur le sol, douce et tranquille, elle ne me quitte pas des yeux et cherche à s'expliquer ce que peut bien venir faire ce mystérieux bipède au tee-shirt blanc, Jean étriqué beige et grand sac de sport. Le repos nocturne a été bon. Nous sommes le 25 mars 2000. Un grand jour Audax se profile. A 7 heures, impatient de me retrouver en pleine nature, je m'enivre d'air vif breton, à la fenêtre de ma chambre. Sympas, Claudine et Yannick Rougerie passent me prendre un peu plus tard. Au collège Jean Monnet, c'est à « doigts » ouverts aussi que les « Pieds vers tout » m'accueillent. Jeannine Priou se félicite d'avoir trouvé les 46 bénévoles adéquates sur les ravitaillements et la salle. Claudine et Denise Perron prennent les inscriptions. Je salue Michel Georget, fondateur du club de marche il y a dix ans. Il me décrit ce troisième 150 km en faisant l'éloge de Roger Poirier, grand cyclo, le vétéran spécialiste des parcours, qui a mis au point la flèche par « faux » relais rejoignant Morges, ville suisse jumelée avec Vertou. Le week-end de l'Ascension, par équipe de huit, parcourant chaque jour 25 kilomètres, une cinquantaine de marcheurs du club aura donc le privilège d'effectuer près de 900 kilomètres. Demain, Suzanne Vicat, nouvelle présidente, jeune, très optimiste, obtiendra son premier brevet de 150 km avec beaucoup de combativité. Elle n'est d'ailleurs pas la seule à être dans ce cas. En Loire-Atlantique, on se jette à l'eau. Un café, un dernier réglage de lacets, une chaussette à tirer... Des retardataires s'activent. A 10 heures, les recommandations sur la sécurité ayant été données, Paul Chouin et Yves Laille prennent la tête d'un peloton fort de 120 marcheurs. On se retrouvera bientôt sur un chemin fleuri d'ajoncs et d'aubépine. Les vignes fraîchement taillées, impeccablement alignées, ajoutent une qualité de vie extraordinaire. Mandon, le pont du Chêne, la Chaussée aux Moines... Ce site très pittoresque de la Sèvre nantaise a été construit au Xe siècle par les moines de Saint-Martin-de-Bertelou pour réguler le flux de la marée montante de la mer. L'écluse permettait aux bateaux d'acheminer le muscadet blanc et le gros plant sur Paris et l'étranger via le canal de Briare. Perché sur la colline, le château de la Frémoise, « Folis nantais » que se faisaient construire au XVIIIe siècle, les gros armateurs sur les rives de l'Erdre (de même que des hôtels quai de la Fosse ou de l'ancienne île Feydeau), donnent une idée de l'opulence de ces derniers, sans aucuns scrupules. Un regard sur le ruisseau et les maisons rustiques de La Barbinière avant l'arrêt buffet de 35 minutes. Des cracks de la marche emmenés par Baudouin, rejoignent le grand rassemblement printanier pour effectuer un brevet de 125, 100 ou 75 km. A 15 heures, nous nous dirigeons vers le vignoble. De-ci de-là, un vieux moulin en pierre agrémente le panorama immense. Le ciel ! Pas vraiment de quoi se plaindre. Poussés par le vent, les nuages noirs courent. Le soleil n'est pas sûr de rester. Au pont Caffinno passant sur la Maine, la pluie froide s'abat sur nous juste avant d'entrer dans la cave Lucien Lebas où des fraises du pays, biscuits et fromage sont mis à notre disposition. Descente sur Monnières, La Chapelle-Heulin, la gare de la Haie-Fouassière et nous revenons à Vertou. La paëlla-salade verte nous régale. A 22 h 50, la troisième boucle de 36 km nous fait visiter Nantes. « La ville de Nantes est petite mais elle est de moult grand mérite pour ce qu'elle est très bien peuplée et de belles maisons parées » (louange d'un auteur anonyme du XVe siècle). Située au fond de l'estuaire de Saint-Nazaire, à 56 kilomètres de l'océan, au confluent de la Loire, de la Sèvre et de l'Erdre, elle est de nos jours, la capitale de la région des Pays de la Loire. Dans le silence de la nuit trouée d'étoiles, une petite route longeant les berges verdoyantes de la Sèvre jalonnées d'anciennes résidences de campagne nous mène aux ponts traversant les bras de Pirmil et de la Madeleine. Je me tiens à côté de Paul Chouin qui connaît Nantes sur le bout des ongles et marche à un rythme agréable. Le château des Ducs bien illuminé est captivant. Sa forteresse, ses tours rondes ont fière allure. On y maria Louis XII avec la duchesse Anne en 1499. Henri IV y signa en 1598, l'édit de Nantes. Derrière, la cathédrale Saint-Pierre surprend par l'austérité de sa façade commencée en 1434. Place du Bouffay, l'église Sainte-Croix (XVIIe siècle) apparaît, surmontée de l'ancien beffroi de la ville dont le gros bourdon pèse plus de 800 kilos ; là des anges sonnent la trompette aux quatre coins de l'horizon. Entrecoupée de deux pauses à la salle des sports de l'EDF, cette incursion en ville de près de deux heures, fût assurément une initiative géniale. Mais la revue de l'U.A.F. n'est pas un livre où l’on peut s’étendre davantage. Possessif et ennuyeux, je ne veux point être. Néanmoins, vus aussi, la Place Royale, Graslin, le musée Dobrée, le quai de la Fosse, le musée Jules Verne, sa demeure, la place de l'édit de Nantes, celles Edouard-Normand et Viarme, et j'en passe... L'Erdre, selon François Ier est « la plus belle des rivières de France ». A 6 h 05, le petit déjeuner redonne des forces. Seuls les pieds semblent accuser les 100 kilomètres. Le drôle de défilé, qui a encore du jus, repart pour deux tours de 25 km, profilés dans la campagne profonde nantaise et les vignobles. A 10 h 40, un menu de choix (salade, pizza, fromage, île flottante, café). Dans la prairie détrempée, une jument toilette son poulain, venant de mettre bas. Trois daims ravissants, un champ de colza plus jaune que jaune, Portillon et nous revoilà au collège à 16 heures. En attendant la remise des brevets et des récompenses, on se congratule mutuellement. Félicitations en particulier, à ceux pour qui c'était le premier 150. Nous étions 138. 67 marcheurs sur le 150, 28 sur le 125, 31 sur le 100 et 12 sur le 75. Les Pieds Vers Tout (28), La Montagne (17), Rosporden (9), les Pieds Z'ailés d'Arvault et des Herbiers (15) étaient les plus représentés. Merci à Monsieur l'adjoint au maire d'être venu nous accueillir. Bravo et merci à Suzanne Vicat et toute son équipe, aux cibistes d'Orvault et secouristes de Vertou qui ont œuvré efficacement durant ces trente heures. Rien n'a été négligé pour la réussite de ce brevet. De beaux souvenirs pleins la tête.

René VASSEUR, A.M.I. Bois-d'Arcy.